Pourquoi je suis un enthousiaste prudent de l’intelligence artificielle

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Je suis enthousiaste en voyant l’explosion récente de l’intelligence artificielle. Mais cet enthousiasme s’accompagne d’une grande prudence. J’explique pourquoi dans cet article.

J’ai grandi avec internet, j’aime la technologie, et je suis toujours à la recherche d’outils pour m’aider à être plus productif avec le temps que le Seigneur me donne. J’étais donc émerveillé en voyant toutes les possibilités que semblait offrir l’intelligence artificielle (IA). En grande partie, je le suis toujours. Pourtant, j’ai pris du recul. Je n’utilise plus vraiment chat GPT, et mon enthousiasme vis-à-vis de l’IA a été grandement atténué. Je crois que la meilleure manière de qualifier ma position serait de dire que je suis un "enthousiaste prudent", tout en soulignant l’importante de l’aspect prudence. Pourquoi? Voici trois raisons.

1. Parce que l’IA n’est pas neutre

Dans le passé, j’avais tendance à penser que tout outil technologique était neutre: c’est nous qui choisissions ensuite de l’utiliser pour faire du bien ou pour faire du mal. Dans un sens, c’est vrai que la technologie peut être utilisée d’une manière positive, qui fait du bien aux autres et qui honore Dieu, et d’une manière négative, qui blesse et détruit des êtres humains créés en image de Dieu.

Pourtant, nous devons réaliser que tout outil technologique nous transforme lorsque nous l’utilisons. Dans ce sens, aucun outil technologique n’est neutre. Les développements technologiques transforment nos sociétés, notre manière d’interagir entre nous, nos habitudes, et notre comportement. Il faut donc se demander: est-ce que leur impact est positif ou négatif?

Dans son livre Digital Liturgies, Samuel James montre à quel point internet, dans sa structure même, est conçu pour nous impacter de manière négative. Les réseaux sociaux, par exemple, nous changent, et ils nous changent pour le pire. Par les réseaux sociaux, notre capacité d’attention est réduite, ce à quoi nous accordons de la valeur est impacté, et notre perception de nous-mêmes est transformée. Est-ce que cela veut dire qu’il faut tout jeter à la poubelle? Non, mais cela veut dire qu’il faut être conscients des dangers et utiliser les réseaux sociaux avec un cadre clair.

Est-ce que l’impact de l’IA sera positif ou négatif? J’avoue avoir beaucoup de doutes. Cela m’amène à la deuxième raison.

2. Parce que nous n’en connaissons pas encore les dangers

La technologie est un beau cadeau, mais un cadeau dangereux. C’est un merveilleux outil, mais une terrible idole. Toute utilisation de la technologie doit donc se faire dans un cadre clair, en étant conscient de ses dangers. Ce à quoi ressemble ces dangers varie. Chaque avancée technologique offre de nouvelles possibilités, et de nouveaux dangers.

C’est ce qui me rend réticent d’être trop enthousiaste concernant l’IA: nous ne sommes pas encore suffisamment conscients de ses dangers. Comment est-ce que l’IA va affecter nos relations les uns avec les autres? Notre compréhension de la personnalité? La foi chrétienne et les principes d’une vie d’Église selon la Bible? Quels sont les écueils à éviter et les opportunités à saisir?

Il est encore trop tôt pour pouvoir répondre à ces questions avec beaucoup de certitudes. Il me semble donc dangereux, en tant que chrétiens, de se jeter dans une nouvelle avancée technologique sans être conscients de ses dangers. Plutôt, je crois qu’il est nécessaire de laisser l’IA passer l’épreuve du temps, afin d’en discerner le cadre approprié.

3. Parce que l’IA ne va pas tout régler

L’être humain est toujours pécheur, le monde est toujours sous la colère de Dieu, l’Évangile a toujours besoin d’être annoncé. Et cet Évangile n’a pas changé. L’IA va probablement faciliter notre vie, mais ça ne va pas tout changer. Ça ne changera rien aux problèmes fondamentaux de cette vie auxquels nous sommes confrontés.

Nous pouvons faire ce que Dieu nous appelle à faire sans l’IA. En refusant d’être les premiers à sauter à pieds joints dans les nouvelles possibilités qu’offre l’IA, nous ne sommes pas en train de ralentir l’œuvre de Dieu. Ou de manquer une opportunité. Heureusement que le salut des âmes ne dépend pas de notre utilisation de l’IA… ou d’internet… ou des réseaux sociaux.

Nous avons besoin de revenir à la base. Le lieu privilégié où Dieu fait son œuvre, c’est l’Église locale. Alors que sa parole est prêchée, dans le rassemblement physique de chrétiens qui s’engagent les uns envers les autres, Dieu agit pour faire grandir son Église. Dans nos relations physiques avec ceux qui nous entourent et qui ne connaissent pas Christ, Dieu agit alors que nous partageons la bonne nouvelle de l’Évangile. C’est ça la base de la vie chrétienne, de l’avancement du royaume de Dieu dans ce monde. C’est ça le plus important, qu’il faut préserver malgré tout.

Il faut donc résister au danger d’être ébloui par les avancées technologiques, en pensant que l’on a enfin trouvé le secret pour que l’Évangile se répande dans le monde entier. Jésus a déjà révélé le secret il y a 2 000 ans: il faut des disciples qui font d’autres disciples, pour que l’Évangile progresse jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Matthieu 28.16-20). C’est le travail des Églises partout dans le monde. C’est votre travail et le mien.

Bien sûr, je ne suis pas naïf: la technologie peut aider l’Église dans sa mission. Lorsque l’on est conscient de ses limites, cela peut être un outil précieux. Je crois qu’il est possible d’utiliser internet et les réseaux sociaux pour la gloire de Dieu. Je crois qu’il est possible d’utiliser certains aspects de l’IA, dès aujourd’hui, pour la gloire de Dieu. Ce que je veux corriger, c’est un enthousiasme aveugle qui jette à la poubelle les principes fondamentaux du ministère chrétien pour se ruer sur l’IA.

Conclusion

Pour ces raisons, je suis donc un "enthousiaste prudent". Je suis les développements de l’IA avec intérêt. J’utilise l’IA pour certaines tâches spécifiques (surtout en lien avec la productivité ou la création digitale). Mais je refuse d’utiliser l’IA pour trop de choses, préférant laisser le temps en juger la valeur.

J’étais réjoui de voir que TPSG organise un webinaire sur l’IA ce mercredi à 20h. Je vous encourage à y participer pour continuer la discussion! Infos & inscription ici.

Benjamin Eggen

Benjamin est marié à Jessica et pasteur-adjoint de l’Église Protestante Évangélique de Bruxelles-Woluwe. Il a fait ses études à l’Institut Biblique de Bruxelles, où il enseigne ponctuellement. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont Soif de plus? et Qu’est-ce que tu crois?. Vous pouvez le suivre sur sa chaîne YouTube.

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