Le gaslighting spirituel - Accompagner les victimes

Combat contre le péchéDiscipline d’ÉgliseAccompagnement biblique

La dernière fois, nous avons tenté de définir ce qu’était le gaslighting: une forme d’abus et de manipulation pour que la victime mette en doute sa santé mentale. Nous avons également précisé l’aspect spirituel de cet abus, à savoir que l’auteur de la manipulation tente de faire douter la victime sur sa maturité spirituelle, son salut ou sa sainteté.

Aujourd’hui, j’aimerais vous partager quelques réflexions et vous apporter quelques humbles conseils pour accompagner au mieux les victimes de cette forme d’abus. Ainsi je vais reprendre certains des exemples énoncés la fois dernière.

Si vous commencez à lire cet article alors que vous n’avez pas lu celui sur les définitions, je vous propose de vous y rendre en cliquant sur ce lien.

Encore une fois, les notions d’ « auteur » et de « victime » sont rarement unilatérales dans une relation. Mais quand il s’agit de manipulation, il est normal d’employer ce terme, car dans ce cas précis, elle est souvent unilatérale.

Le péché reste le péché

C’est sans doute l’équilibre le plus difficile à maintenir. Les auteurs utilisent régulièrement des faits avérés, des péchés manifestes de la victime pour asseoir leur argumentation. C’est une arme redoutable, car cela ne laisse pas indifférente la victime quant à ses responsabilités. C’est le meilleur moyen pour instiller le doute et développer la manipulation.

En tant que conseiller chrétien, nous ne pouvons pas nier le péché qui est une partie fondamentale de notre conception de la nature humaine. Ne pas considérer le péché de la victime serait à mon sens un grand manque d’intégrité. Cependant, nous pouvons éclairer le péché sur plusieurs points.

Affirmer un péché lorsque c’est vraiment un péché

Nous ne sommes pas les bourreaux des victimes, mais c’est une manière de rassurer la personne et d’évacuer le doute. Le doute peut s’exprimer sous plusieurs formes chez la personne.

Cela vous est sans doute arrivé de réfléchir à l’une de vos actions, et de vous demander si ce que vous avez fait était un péché ou non. Beaucoup d’influences peuvent arriver, et notamment de subtiles pensées du type: « Il l’a bien mérité… », « je ne fais que me défendre… » ou « j’étais fatigué(e)… » Ces réflexions peuvent venir de vous-mêmes ou des autres. Cependant, le plus important est de savoir ce que Dieu en pense au regard de la Parole.

En tant que conseiller, nous avons la responsabilité de clarifier au maximum l’aspect spirituel et moral des actions et attitudes des personnes en face de nous. Nous ne pouvons pas atténuer le péché sous prétexte que c’est une victime. Mais nous pouvons apporter une définition juste de ce qu’est le péché. Les auteurs vont généralement au-delà de l’implication des péchés commis par les victimes.

« Tu m’as insulté avant-hier »« Tu as gravement péché contre moi »« Tu m’as assassiné dans ton cœur »« Devant Dieu, tu es coupable de meurtre »« Je ne te ferais plus jamais confiance, ni Dieu d’ailleurs »« Tu dois expier ta faute comme pour un meurtre, et alors je te pardonnerai si tu fais assez d’effort »

Voilà un exemple de progression en termes de réflexion. Il y une part de vérité dans ce discours: insulter son conjoint est un péché. Mais une fois dit cela, il est bon de prendre un autre chemin que l’auteur:

« Il est vrai que tu as péché contre lui et contre Dieu »« Qu’attends Dieu de toi vis-à-vis du péché? » (utilisation du Psaume 51 par exemple) et à partir d’ici, il est important de bien établir notre relation à Christ dans l’expiation de nos péchés. Ainsi, vous pourrez mieux accompagner la personne dans ses propres responsabilités: la confession et la demande de pardon. La victime n’est pas responsable de l’acceptation du pardon de l’auteur. C’est à lui de le faire et c’est sa responsabilité devant Dieu.

Cet exemple nous permet également de voir à quel point il est important de rétablir la vérité à la lumière des Écritures, et de ne pas laisser la personne dans une fausse conception du péché, du pardon, de l’expiation, et des conséquences de son péché (qui dans le cas cité ne sont pas les mêmes qu’un meurtre).

Clarifier les responsabilités

J’ai déjà un peu abordé cela dans la partie précédente, concernant la théologie du pardon selon laquelle les deux personnes ont une responsabilité mutuelle, mais également vis-à-vis de Dieu (nous ne pardonnons pas sous conditions, par exemple).

Les relations abusives sont souvent caractérisées par des demandes ou des attentes malsaines qui se développent des deux côtés.

Du côté de l’auteur, il y aura du chantage ou des demandes supplémentaires pour que la victime « expie » ses fautes ou ses torts. À charge du conseiller de discerner ce qui est juste de faire, et ce qui est de l’ordre de l’abus, notamment dans le cadre du mariage et des responsabilités des époux. 

Mais il y en a également du côté de la victime qui va parfois vouloir développer des efforts et sacrifier beaucoup de choses afin de restaurer la relation. Nous nous retrouvons dans l’image des vases communicants où l’un doit combler les désirs de l’autre. Est-ce que nous sommes là pour servir l’autre et répondre à certains de ses désirs en tant qu’époux? Sans aucun doute. Mais lorsque la demande devient la seule condition pour une restauration, l’amour ou l’attention, alors il faut reprendre cette attitude pour bien en faire comprendre les enjeux.

Si une épouse a pour vocation, dans son foyer, de préparer la nourriture tous les jours pour son mari, je n’y vois qu’un élan volontaire tout à fait acceptable. Dans cette situation, le mari pourrait commencer à lui reprocher la qualité de sa cuisine, voire même évoquer Deutéronome 24.1 en considérant que sa femme ne lui fait pas grâce au travers de la nourriture, et qu’elle pèche contre lui et contre Dieu. Que devrait faire l’épouse? 

Nous pensons rapidement que lui mettre une assiette de nourriture dans la figure pourrait être un bon enseignement, mais ici nous sommes des conseillers, pas des amis… L’épouse pourrait rapidement culpabiliser, se repentir, expier devant Dieu, prendre des cours de cuisine, passer des heures aux fourneaux pour réparer ce qui semble être une problématique pour son mari.

L’objectif n’est pas de critiquer les personnes qui aiment cuisiner, mais plutôt d’apporter une réflexion sur l’aspect réactionnaire face à une tension. Certaines personnes ont tendance à surréagir pour combler ce qui paraîtrait être une faute, mais qui n’est, en réalité, pas si évident au regard de la Parole.

On peut aborder cela autrement, au regard des responsabilités de chacun. Est-ce que la nourriture est avariée? Est-ce qu’elle est toxique pour la santé? Ou est-ce que la personne qui cuisine trouve le goût de sa cuisine satisfaisante? Ce sont peut-être des questions étranges, mais en réalité, c’est le début d’un raisonnement qui permet d’établir les responsabilités.

Certains de mes enfants n’aiment pas les champignons (ce qui est terrible pour moi qui aime vraiment cela, et qui suis obligé de terminer leurs assiettes…), et la manière dont on les cuisine à la maison ne les satisfait jamais vraiment. Nous n’avons jamais été malades en mangeant nos champignons, car ils sont cuisinés avec soins, et franchement, pour ma part, c’est un pur régal. 

Mon épouse et moi nous n’avons pas à changer nos habitudes culinaires, mais nos enfants doivent faire des efforts. Peut-être pensez-vous que cet exemple est ridicule ou grossier, mais généralement, les problématiques commencent toujours par des choses anodines et quotidiennes. Soyons vigilants à cela.

Enseigner la personne avec la Parole

Je ne me lasserai pas de le redire, un conseiller chrétien doit être suffisamment à l’aise avec la Parole de Dieu pour reprendre les doutes et les confusions, et les entretiens sont parfois des opportunités formidables pour des enseignements rassurants de la Parole de Dieu. Les accusations sont souvent subtiles, et nous devons être armés pour rétablir la vérité au sujet de ce que Dieu dit, ce que Dieu veut, et ce que Dieu fait.

Il y a de nombreuses doctrines qui peuvent être attaquées, mais certaines le sont plus que d’autres:

  • La théologie du Mariage, et la responsabilité entre époux. À savoir notamment ce que veut dire: « la soumission d’une épouse. »
  • La théologie du Pardon. Qu’est-ce que le pardon? Vers qui doit-il aller? Quelles sont les responsabilités de chacun?
  • L’assurance du Salut. Comment ce salut nous est-il obtenu? Pourquoi sommes-nous agréables à Dieu? Pourquoi cette assurance est inaltérable?
  • La sanctification et le péché. Dans les discours, les deux sont souvent liés: « Si tu pèches, es-tu saint? Si tu es saint, pourquoi pèches-tu? »

J’ai bien conscience que ces réflexions sont succinctes, et que beaucoup d’autres choses devraient être abordées, mais ce sera sans doute sur un autre support qu’un simple article.

J’espère que ces trois grands domaines vous aideront à mieux accompagner les personnes autour de vous. J’ai cherché à apporter ici des spécificités à ce type de problématique. J’ai volontairement exclu les conseils généraux pour tout accompagnement, notamment au sujet de notre bienveillance, de notre encouragement et de notre soutien. La fois prochaine, nous aborderons le sujet délicat de l’accompagnement (et souvent même de la confrontation) des auteurs.

Samuel Laurent

Chrétien et psychologue, Samuel est marié à Pauline depuis 17 ans et ont trois enfants. Ils ont créé l’association « La Boussole » avec laquelle ils proposent des formations en accompagnement biblique à l’intention des églises locales. Il est étudiant à la Faculté de Théologie Jean Calvin.

La question de l’accompagnement/counseling biblique est la principale raison de leur présence sur TPSG. ils souhaitent développer et partager leur vision biblique du monde autour de l’accompagnement, de la psychologie et des problématiques du cœur humain.

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